Vienne, capitale du divertissement.
Vienne et la musique : l'une est inséparable de l'autre. Depuis des siècles, cette cité située sur les rives du Danube exerce un charme irrésistible sur tous les grands noms de la musique: Wolfgang Amadeus Mozart a fui l'atmosphère provinciale et fermée de Salzbourg pour s"épanouir dans la capitale; Ludwig van Beethoven, Rhénan plein de verve, a composé à Vienne ses immortelles symphonies; l'allemand du nord Johannes Brahms a trouvé dans l'insouciance de Vienne une seconde patrie. Qu'ont-ils donc trouvé de si unique à Vienne, ces grands musiciens ?


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C'est dans le caractère viennois qu'il faut chercher. Située au centre de l'Europe, capitale de la monarchie austro-hongroise, Vienne a sans cesse été impliquée dans des querelles guerrières. Aussi ses habitants ont-ils toujours cherché à oublier les côtés désagréables de la vie. C'est tout à fait dans l'esprit du puissant prince de Metternich qui, au besoin, n'hésita pas à réduire, au moyen d'intrigues et par l'usage de la force et de la censure, l'engagement politique des habitants. Cette situation aurait pu déclencher la guerre dans toute l'Europe, mais Vienne est toujours restée une oasis de plaisir. Qu'importaient aux hommes les intrigues de la politique mondiale, les luttes pour le pouvoir des généraux. Ils ne se mêlaient pas de ces affaires et préféraient s'amuser dans la musique et la danse.

C'est dans cette atmosphère de politique mondiale et de plaisir que naît Johann Strauss, le père de la dynastie Strauss, le 14 mars 1804 à l'auberge Zum heiligen Florian, à Vienne.

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Une chemise pour deux !

Son enfance est marquée par une extrême pauvreté. Son père, Franz Strauss, cabaretier, se noie - ou se suicide ? - dans le Danube en 1816. Sa mère avait succombé, en 1811, à la fièvre "ondulante". Orphelin, Johann devient apprenti relieur, et depuis ce moment, n'a plus qu'un seul désir: devenir musicien !  Naguère, petit garçon, Johann avait étudié le violon. A quatorze ans, il joue de l'alto auprès de chef d'orchestre Michel Pamer, au café Sperl pour des soirées dansantes. Pamer était un compositeur et un chef d'orchestre très doué bien qu'ayant un fort penchant pour la bière. Aussi Johann est ravi lorsqu'un collègue de l'orchestre, Joseph Lanner, lui propose de fonder un quatuor à partir du trio initial, deux violons et une guitare. C'est ainsi que naît entre les deux hommes une amitié profonde. Ils habitent le même logement et partagent le peu qu'ils possèdent, comme...la même chemise : lorsque l'un la porte, l'autre reste au lit !



Dépêche-toi de trouver une idée !

Un orchestre à cordes naît peu après du quatuor de Lanner, le 1er mai 1824 dans le jardin d'un café jouxtant une fête foraine. Il devient si populaire que Joseph Lanner ne trouve plus le temps de composer de nouveaux airs de danse. Ainsi, il se réveille de mauvaise humeur et n'a aucune inspiration pour le nouveau morceau qu'il destine au concert du soir. Sans hésiter, il crie à son ami:"Strauss, dépêche-toi d'avoir de trouver une idée !"  Et Johann Strauss trouve une idée. En une même journée, il compose et écrit la partition, puis l'orchestre répète et joue le morceau le soir même devant un public passionné. Cela lui donne un tel goût de l'écriture qu'il ne cesse de composer. Il peut ainsi acquérir son indépendance : il y est même obligé car, à vingt et un ans, il doit faire face à ses devoirs de futur père : sa maîtresse, Anna Streim, la fille de l'hôtelier, attend un enfant. Johann épouse donc Anna le 11 juillet 1825. Johann Strauss fils naît quelques semaines plus tard, le 25 octobre. Viendra ensuite Josef, en 1827. Et le dernier, Eduard, complètera la famille en 1835.



Toute l'Europe danse sur la musique de Strauss

Vienne, avide de danse, est assez grande pour deux orchestres, et pour plus encore, surtout à la période de Carnaval. Bien que rivaux, Lanner et Strauss, peuvent ainsi rester amis. En 1828, l'orchestre de Strauss a engagé jusqu'à 200 musiciens que Johann répartit en différentes salles de bal. Tel un grand chef d'orchestre ou une vedette pop d'aujourd'hui, Johann Strauss roule en fiacre à toute allure pour se rendre d'une salle à l'autre !  C'est souvent en chemin qu'il écrit les dernières mesures d'une toute dernière valse qu'il dirigera lors d'une nouvelle représentation. En 1833, Johann Strauss entreprend avec son orchestre le premier des voyages à l'étranger qui vont le rendre célèbre dans toute l'Europe. Après Budapest, commence la première tournée de concerts: Tchécoslovaquie, Allemagne, Belgique, Hollande, France et Angleterre. Partout le musiciens viennois sont fêtés dans l'enthousiasme.
Mise à l'épreuve par ces nombreux déplacements l'union de Johann et Anna Strauss s'en trouve malmenée, et la liaison de Johann avec Emilie Trampusch (une jeune modiste qui lui fit sept enfants en neuf ans !) provoque le divorce du couple en 1846.


Entre-temps, la vie de la famille Strauss prend également un tour imprévu......

Bonjour Strauss   fils !

Johann père a toujours été opposé au fait que ses fils deviennent musiciens. Soutenus par leur mère, ceux-ci prennent donc des cours de musique en cachette. Et c'est par des amis que Strauss apprend que ses fils aînés jouent avec succès ses compositions au cours de soirées dansantes !  Mais lorsque Johann fils fonde en 1844 son propre orchestre et annonce son premier concert, son père se trouve alors devant le fait accompli: désormais, il existe donc deux orchestres Strauss !  Le premier concert de Johann Strauss fils, le 15 octobre 1844, est annoncé comme un "thé dansant". Il n'est pourtant pas question de danser tant l'affluence est grande. L'exultation est indescriptible: on compte 19 rappels pour un morceau et, à la fin de la soirée, le jeune Johann est porté en triomphe à travers la salle sur des épaules amies. Un critique résume dans la pesse ce tournant de la vie musicale viennoise: "Bonne nuit, Lanner !   Bonsoir, Strauss père !  Bonjour, Strauss fils ! "



Vienne en deuil

En mars 1849, Johann Strauss père entreprend une tournée et triomphe en Allemagne, en Belgique et en Angleterre. Cette tournée est la dernière: peu après son retour, en septembre 1849, il contracte la scarlatine et meurt le 25 septembre, âgé seulement de quarante-cinq ans. Des centaines de milliers de viennois descendent dans les rues lorsque les musiciens de l'orchestre passent en portant le cercueil au cimetière de Döbling. Pour Johann fils, il s'agit donc de rester fidèle à l'héritage paternel tout en menant sa propre carrière. Et le désir de danser des viennois ne fait que s'accroître. Dès le mois d'octobre, Johann fils reprend l'orchestre de son père. Il se dépense tant à composer, répéter, à se produire sur scène qu'il tombe gravement malade à plusieurs reprises. En juillet 1853, il fait une dépression nerveuse et, sur l'avis des médecins, doit suivre une cure pendant plusieurs mois. Il ne s'inquiète pas pour autant de l'avenir de l'orchestre: c'est "Pepi" (surnom affectueux donné à son frère Josef) qui en assure la direction.



De la balayeuse à la baguette

Contrairement à son frère aîné, Josef Strauss s'est plié à la volonté de son père en devenant un brillant ingénieur. On lui doit, parmi ses inventions techniques, celle de la "balayeuse" qui est utilisée par la municipalité de Vienne et devient une sorte de précurseur des machines actuelles dont les villes ne peuvent plus se passer pour y assurer le confort et la propreté.

Pepi, se consacre ensuite à la musique et se révèle très doué.  Naturellement, il se met à diriger l'orchestre de son frère Johann. Cinq semaines après ses débuts, il fait exécuter ses propres compositions, aux titres très évocateurs: Les premières et Les Dernières.
Très sensible et talentueux, Pepi ne vivra malheureusement pas longtemps. Lors d'un concert à Varsovie, le 1er juin 1870, Josef Strauss s'effondre et perd connaissance à son pupitre. Transporté à Vienne, il meurt le 22 juillet de la même année, un mois avant son quarante-troisième anniversaire.



"Edi" le coquet

Eduard Strauss se révèle être, lui aussi, un compositeur doué. Dès 1861, il dirige l'orchestre Strauss, et on compte à peu près 300 oeuvres de sa composition.
Des années plus tard, Josef étant décédé et Johann complètement retiré des affaires, la responsabilité de la direction de l'orchestre lui imcombe; Eduard le dirigera jusqu'a sa dissolution en 1901. Ses rappoirts avec son frère aîné, plus populaire que lui, étaient pourtant très tendus. On ne lui pardonne pas, en effet, d'avoir, sous l'empire de la colère, en 1907, fait bruler toutes les partitions de la famille Strauss ! C'est dans la solitude et l'oubli qu'il meurt, en 1916, au milieu de la Grande Guerre.
Il existe cependant de nos jours un descendant de cette famille qui porte toujours le nom de Strauss, le docteur Eduard Strauss, son arrière petit-fils, qui habiteVienne où il exerce le métier de juriste, n'étant pas le moins de monde musicien ! "S'appeler Eduard Strauss et vivre à Vienne ?  Vous ne pouvez pas imaginer le fardeau que cela réprésent". déclarait-il il y a quelques années dans un entretien. Pourtant, peut-être sortira-t-il encore un jour un musicien de cette étonnante famille ?



Si je me marie, c'est lui et personne d'autre !

Henriette Treff, surnommée "Jetty", chanteuse de grande renommée, a été engagée dans l'orchestre de Strauss père en 1849 pour chanter devant la reine d'Angleterre, la jeune Victoria. Jetty a quarante-quatre ans, sept enfants naturels et elle est la maîtresse du baron Todesco lorqu'elle rencontre Johann Strauss, alors âgé de trente-sept ans. C'est le coup de foudre ! "Si je me marie, déclare-t-elle, c'est avec lui et personne d'autre !" Johann Strauss épouse Jetty Treffz le 27 août 1862 dans la cathédrale Saint-Etienne. Ce sera une union heureuse: Jetty est une épouse perspicace et avisée et a un sens très prononcé des affaires. Elle accompagne Johann dans ses voyages en Russie, en Italie, en France et aux Etats-Unis, déplacements qui le fatiguent beaucoup, mais elle s'occupe de lui comme une mère.
Le 9 avril 1868, elle reçoit une lettre de chantage de l'un de ses fils: frappée d'apoplexie, elle meurt aussitôt. Ce décès touche profondément Johann Strauss qui quitte précipitamment leur maison, incapable de vivre là où demeure le souvenir de Jetty, et laisse Eduard s'occuper des obsèques.
En voulant fuir la solitude, Johann commet la plus grande erreur de sa vie: il se remarie sept semaines après la mort de Jetty. Sa nouvelle femme est la belle chanteuse Angelika Dittrich, dite 'Lilly". Elle a vingt-huit ans, lui cinquante-trois. Les conflits qui vont surgir ne proviennent pourtant pas de leur différence d'âge: Lilly ne voit en Strauss qu'un compositeur à la mode qui lui fait espérer, grâce à son union avec lui, une vie insouciante et heureuse. Mais elle ne comprend rien à sa musique. Le couple divorce à peine cinq ans plus tard (en fait, ils vivaient séparés, et leur mariage n'en était pas vraiment un).
Avec Adèle, sa troisième femme, Johann Strauss trouve enfin la confiance et l'attention dont il a besoin. Mais, pour pouvoir l'épouser, Strauss doit renoncer à la fois à sa nationalité autrichienne et à sa foi catholique. Et c'est en tant que citoyen du duché de Saxe-Cobourg-Gotha et membre de l'Eglise Evangélique qu'il épouse Adèle, le 15 août 1887 à Cobourg.


Vieillir en restant jeune, comme sa musique !

En 1890, un sondage d'opinion est réalisé pour connaître la personnalité la plus célèbre d'Europe: Victoria, la reine d'Angleterre, arrive en première position, Otto von Bismarck, le premier chancellier de l'Empire allemand, en second et Johann Strauss se trouve en troisième place !
Son jubilé est fêté dans l'ivresse en 1894, à Vienne, mais aussi dans toute l'Europe, où sa musique est déjà considérée comme l'expression même de la gaieté et de la joie de vivre.
Johann Strauss meurt le 3 juin 1899 dans le calme et la sérénité de sa maison de l'Igelgasse. Edouard Kemser apprend la nouvelle une heure plus tard, alors qu'il dirige, dans le Volksgarten, un concert pour l'édification d'un monument à la gloire de Strauss et Lanner. Aussitôt, il interrompt le concert et commence, tout bas, Le Beau Danube Bleu. Pas besoin d'explication: les spectateurs rentrent chez eux dans le chagrin et le silence.

Strauss est inhumé dans le cimetière central de Vienne, aux côtés de Beethoven, Schubert et surtout de Brahms, son ami. La plus belle chose que l'on puisse dire de la dynastie des Strauss est une sitation de Johann Strauss fils lui-même à propos de la musique de son père: "Son art a chassé nombre de soucis, effacé bien des rides, remonté le moral et redonné la joie de vivre; il a consolé, réjoui et rendu le coeurs heureux".



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